« Le barthisme ne m’intéresse pas »

09.12.2019

J’ai écrit un livre sur un aspect de la pensée de Karl Barth et depuis, on me dit barthien. Je n’aime pas ça, d’une part parce que les théologiennes et les théologiens de ma génération ne s’identifient plus autant à des écoles théologiques et, d’autre part, parce qu’il colle à cette étiquette un arrière-goût moisi d’apologétique, du genre à être quelqu’un qui manque d’esprit critique envers celui qui est, sans conteste, le plus grand théologien du XXe siècle, et envers sa théologie.

Or ce qui caractérise la théologie de Barth, ce n’est pas seulement le courage d’affirmer sans langue de bois ce qui doit l’être mais surtout une profonde aversion envers toute apologie. Relativement tôt dans son œuvre, Karl Barth admet donc ceci : « Celui qui fait d’une apologétique le socle de sa dogmatique, celui-là montre et prouve […] que les aspects thématiques de sa dogmatique peuvent et demandent à être justifiés, non pas dans le détail mais comme ensemble, à partir d’une pensée fondée ailleurs. » (Unterricht in der christliche Religion I, 161) Lorsque Barth fut interpellé en 1963, après sa retraite, sur le phénomène du « barthisme », il voulut une bonne fois pour toute débarrasser le monde de ce « spectre » et fit, assez abruptement, la remarque suivante : « Je n’ai jamais exigé de quiconque qu’il répète ce que j’ai di comme un perroquet. Il ne s’agit pas de moi, mais de la vérité – la vérité dans l’amour. Le « barthisme » ne m’intéresse pas. » (Gespräche 1963, 29)

Celle ou celui qui, aujourd’hui, s’identifie comme barthienne ou barthien devrait se demander si elle ou lui ne se révèle pas ainsi justement comme anti-barthien.

Matthias Käser